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3 conseils pour diriger une équipe fatiguée

Source : Harvard Business Review - Merete Wedell-Wedellsborg


« Mais où est passée ma motivation ? », s’est exclamé un dirigeant au beau milieu d’un entretien. Nous étions en train de parler de la façon dont lui et son équipe faisaient front face à la deuxième vague de la pandémie de Covid-19 et de ce que leur inspirait la nouvelle qui venait de tomber selon laquelle un vaccin se profilait à l’horizon. En apparence, tout allait bien : les affaires étaient florissantes et son entreprise était en bonne santé.


Malgré tout, sa remarque traduisait une véritable inquiétude ; il se sentait en perte de vitesse, manquait de détermination et d’énergie. Alors que son leadership s’était caractérisé par une approche sûre et directe et par une grande réactivité durant la première vague de la pandémie, il semblait à présent moins précis et plus incertain.


À mesure que nous évaluions les différents niveaux hiérarchiques de l’entreprise, nous avons constaté que ce sentiment était largement partagé par les autres cadres et dirigeants. Les incidents liés au stress redoublaient, les réactions émotionnelles étaient plus exacerbées et les défections se multipliaient.


Nul doute que nombre d’entreprises et de secteurs économiques connaissent une situation similaire. Ce phénomène porte différents noms : « fatigue pandémique », « brouillard mental », « brouillage entre vie professionnelle et vie privée », « vide prolongé » et « attente interminable », pour ne citer que quelques-unes des expressions que certains dirigeants ont utilisées. Mes clients reconnaissent qu’ils sont fatigués, qu’ils s’ennuient et que « l’année 2020 a été plus que pesante ». Même ceux qui travaillent dans des secteurs en plein essor disent se sentir « émotionnellement affaiblis ». « L’autre jour, j’ai pleuré sans raison », m’a ainsi confié l’un d’eux (d’ordinaire solide comme un roc).


D’autres se désolent de ne plus pouvoir faire des choses telles que le sport avec autant d’enthousiasme que durant la première vague de la pandémie. Leurs appareils de fitness flambant neufs prennent la poussière. Et les apéros virtuels au travail n’intéressent plus personne.

C’est comme si le monde entier était épuisé. Même si la promesse d’un vaccin laisse entrevoir le bout du tunnel, la dernière ligne droite sera longue et risque d’avoir des conséquences plus graves que prévu sur notre vie, sur le plan professionnel comme personnel.Pour traverser la deuxième vague avec succès, les dirigeants doivent réévaluer leur résilience personnelle et celle de leur équipe : leur capacité et leur force à surmonter les obstacles, à rebondir et à être de nouveau prêt à affronter les défis qui se posent. Dans quelle mesure résistez-vous à la pression ? À quelle vitesse vous remettez-vous d’un échec ?

Mais surtout : comment trouverez-vous la force mentale nécessaire pour mener vos équipes jusqu’au bout du tunnel ?


Comment diriger quand le monde entier est fatigué


Après une réaction induite par l’adrénaline au printemps suivi par un faux espoir de retour à la normale l’été venu, la deuxième vague de la pandémie nous oblige à redéfinir ce qu’est la résilience personnelle. Lors de la première vague, on a assisté à une réaction psychologique associée à l’urgence appelée l’éveil. Un choc, une menace et une incertitude soudaine nous mettent sur le qui-vive et mobilisent des ressources instinctives : adrénaline, esprit de combat et solidarité. Cette réponse est impulsive, presque universelle et partagée de façon immédiate par un grand nombre d’équipes.


La deuxième vague, cependant, a activé un autre type de résilience personnelle : l’endurance psychologique. Celle-ci repose sur des schémas émotionnels plus profonds, façonnés par les besoins, l’histoire et les expériences de chacun. L’endurance est à présent d’autant plus nécessaire que cette deuxième vague n’est pas du tout excitante, c’est le moins que l’on puisse dire. De fait, les gens se disent fatigués, déconnectés et troublés.

Alors que la première vague a déclenché en nous des réactions instinctives, la deuxième exige de la persévérance, de l’endurance et même de la défiance face à l’imprévisibilité, à la morosité ambiance et au poids de la pandémie.


Dans ce contexte, développer sa résilience requiert un certain « recâblage » émotionnel et une approche différente dans la façon de motiver les membres de son équipe et ses collègues. La tâche essentielle consiste à identifier les défis majeurs qui vont se poser dans l’année à venir, puis à mobiliser l’endurance psychologique dont vous et votre équipe aurez besoin pour les relever.


Pour cela, il vous faudra suivre trois étapes clés : comprendre la différence entre urgence et importance ; trouver un équilibre entre confort et confinement ; imaginer de nouvelles manières de se motiver et de motiver les autres.


Comprendre la différence entre urgence et importance


Cela peut paraître évident, mais il est assez étonnant de voir à quel point certaines entreprises refusent de regarder en face les difficultés qui se profilent. Cela peut s’expliquer notre façon innée que nous avons de répondre aux crises : nous regardons les choses à très court terme et mettons de côté tout ce qui n’est pas urgent. Puis, une fois les urgences traitées, nous estimons qu’un repos est bien mérité. Plusieurs des équipes auprès desquelles j’interviens ont tendance à refuser de voir les défis à venir, ou à rationaliser leur inaction en se disant « On s’occupera de cette question quand la crise du coronavirus sera passée. »


Les dirigeants et leurs équipes ne doivent pas céder à cette tentation. S’il est évident qu’il faut se reposer durant son temps libre, l’inactivité au travail peut se révéler nocive. Dans l’armée, par exemple, l’ennui et l’attente sont perçus comme plus stressants que les combats eux-mêmes. L’étude « The Challenges of the Disengaged Mind » montre que des volontaires à qui l’on a demandé d’attendre sans rien faire dans une pièce préfèrent s’administrer des décharges électriques plutôt que de rester inactif en silence. La plupart des individus semblent donc préférer faire quelque chose plutôt que rien, même si c’est contre-productif ou néfaste. Dans mon livre « Battle Mind: Performing Under Pressure », un haut gradé de l’Otan me confiait d’ailleurs ceci :


« Il vaut mieux agir et prendre une décision que ne rien faire. En d’autres termes, les conséquences sont souvent plus importantes si vous ne faites rien que l’inverse. Accepter de prendre des risques est un prérequis pour être capable d’agir sous pression ou dans des situations difficiles. »

Pour continuer d’avancer, on pourra s’inspirer de l’exemple de cette dirigeante qui a fait appel à mes services de conseil. Alors même que son entreprise n’était pas affectée par la Covid-19, plutôt que de se reposer sur ses lauriers, elle a préféré se demander « Comment transformer cet élan à court terme en avantage à long terme ? » Elle a donc demandé à son équipe dirigeante de lui proposer des idées pour le futur et a mis en place un groupe de travail composé de collaborateurs de talent issus de toute l’entreprise. Plus précisément, elle leur a demandé de réfléchir aux actions qu’ils pourraient mener dès à présent et qui seraient source d’avantages compétitifs à long terme.


Vous et vos collègues pouvez également vous demander si vous êtes vraiment prêts à affronter la concurrence acharnée qui ne manquera pas de suivre la campagne de vaccination. Les entreprises vont faire feu de tout bois pour rattraper le temps perdu et récupérer leurs clients. Pour nombre d’entre elles, la gestion de l’après-pandémie sera aussi intense que celle de la crise.


Posez la question à vos équipes, ainsi qu’à vous-même : faites-vous tout ce qui est en votre pouvoir pour que votre entreprise ressorte plus forte de la crise ?

La fenêtre d’opportunité du changement est sans doute en train de se refermer et c’est maintenant qu’il faut traduire les bonnes intentions en actions.

Trouver le juste équilibre entre compassion et maîtrise


Pour passer à l’action, vous et vos employés devez être motivés. En d’autres termes, l’action demande à la fois de la compassion et de la maîtrise. Commençons par la compassion. À ce stade de la crise, tout est réuni pour que la dépression, la solitude et l’anxiété prennent le dessus : l’on travaille de façon isolée, l’on s’inquiète pour sa santé et la pérennité de son emploi, l’on ne compte plus ses heures et les priorités n’arrêtent pas de changer. Une enquête mondiale menée par Mercer indique que la majorité des 270 compagnies d’assurance interrogées considèrent la santé mentale comme un facteur de risque aussi important que le tabac.


Les dirigeants doivent prendre le bien-être mental de leurs équipes au sérieux et intervenir en amont plutôt que trop tard. Ce qui veut dire que vos employés ont sans doute davantage besoin de chaleur et de réconfort qu’avant la pandémie. Cependant, ce n’est pas avec des tableaux Excel et de plannings que vous comblerez ce besoin ; pour affronter les moments les plus durs, il faut savoir être à l’écoute et oser – notamment en parlant de doute et d’inconfort – et ne pas ignorer cette question en passant un peu trop rapidement au point suivant de l’ordre du jour.


Pour ce faire, il existe deux approches. L’une consiste à dire « Je ne sais pas » ou à partager votre sentiment de malaise. Je vois une énorme différence avec les dirigeants qui expriment leur insécurité, car cela va dans les deux sens : quand vous osez partager vos doutes avec vos équipes, elles en font autant avec vous.


Une autre approche consiste à louer la compétence des employés, à leur donner le sentiment qu’ils méritent leur place et que leur valeur n’est pas seulement fonction de leurs actions et de leurs résultats, mais de qui ils sont et de la manière dont ils se comportent.

Ne parlez donc pas seulement de « ce qu’il y a à faire » lorsque vous discutez avec vos collègues, mais reconnaissez « qui ils sont » en mettant en avant leurs contributions personnelles, ainsi que leurs qualités humaines. Cela réduira l’anxiété et les suppositions.

Cependant, il ne suffit pas de faire preuve de compassion, mais aussi de maîtrise. La maîtrise est décrite par Anand Narasimhan, professeur à l’IMD, comme « la capacité d’observer et d’absorber ce qui se passe autour de soi tout en donnant une impression de stabilité ». Pour cela, il faut poser des limites, être exigeant, mettre la pression à un niveau optimal et aider chacun à cesser de s’apitoyer sur son sort et à sortir de sa morosité.


De fait, s’ils sont l’objet de trop de sollicitude et de compassion, les individus peuvent tomber dans le piège de la dépendance en étant amenés à croire qu’ils sont incapables de réussir sans l’aide et le soutien d’autrui. Comme Martin Seligman, le père de la psychologie positive moderne, l’a montré, nous devenons passifs lorsque nous sommes confrontés à un stress incontrôlable auquel nous ne pouvons pas échapper. Nous cessons de réagir face aux dangers et acceptons passivement tout ce qui nous arrive.


Donc, une fois que vous aurez réussi à redonner le moral à votre équipe (ou à vous-même), le but n’est pas de la dorloter. Vous devrez bien plutôt profiter de ce que vous aurez établi une connexion pour repartir du bon pied. Comme n’importe quel boxeur vous le dira, ce réveil n’aura lieu que si vous éprouvez de la colère, de la peur et de la frustration et que vous vous sentez prêt à vous rebeller – autant de sentiments que l’on s’efforce habituellement d’étouffer ou d’intellectualiser dans nos vies professionnelles.


Au lieu de laisser complètement tomber la pression et de céder à l’ennui et à l’épuisement, il faut au contraire faire monter la pression et de se mettre en mode combat. Pour cela, considérez sérieusement les batailles que vous allez avoir à mener l’an prochain. Comment allez-vous vous maintenir en tête du peloton ? Comment préparer les étapes suivantes ? Comment mobiliser vos troupes pour attaquer avant l’aube ?


Tous les dirigeants avec lesquels j’ai discuté insistent sur l’importance de pouvoir faire quelque chose au lieu de lâcher prise. Peut-être avez-vous envie de rester au lit toute la journée en regardant Netflix et en mangeant de la pizza, ou de vous « terrer sous votre édredon », comme le dit l’un de mes clients.

De temps à autre, cela peut fonctionner avec un peu de déni constructif et d’apitoiement sur soi-même, mais pas tous les jours, ni à chaque coup dur.

Certes, le moment présent invite à la compassion, mais il demande aussi un peu plus de réaction et de révolte face à l’injustice du virus. Les gens devraient dire « Ça suffit comme ça ! » et s’insurger contre la morosité ambiante. C’est la même chose qu’avec l’éducation des enfants : la clé est de trouver l’équilibre idéal entre la sollicitude et l’incitation au dépassement de soi, entre dire « Je t’aime comme tu es » et « Bouge-toi et surpasse-toi ».


Motiver tout le monde, chaque jour


« Je suis étonnée de constater que le plus dur, maintenant, est de lutter contre moi-même », a conclu en soupirant une dirigeante à la fin de notre entretien.


Alors que nous entrons dans la dernière ligne droite, le plus grand défi pour les dirigeants sera sans doute de rester motivés et de garder leurs équipes dans le même état d’esprit.


Nous ignorons combien de temps cette phase va encore durer et nous ne pouvons plus compter sur le sentiment d’urgence sanitaire. Face à de belles paroles telles que « Restons soudés » ou « On va s’en sortir », notre patience a atteint ses limites. Ce que les gens attendent, ce sont des instructions spécifiques et concrètes – quoi faire à présent pour aller ensemble dans la même direction et comment faire pour s’en sortir.


Pour cela, il faut que l’énergie circule et refuser que les réunions et les interactions soient inutiles ou ennuyeuses. L’énergie n’est pas une chose acquise ; elle doit être générée et canalisée en interne. Par exemple, le groupe Lego s’est donné pour objectif de « Dynamiser tout le monde, tous les jours » en en faisant le principe essentiel de son leadership.


Il existe mille façons de motiver une équipe : en partageant des histoires de réussite, en organisant des compétitions ou en morcelant les longs projets en sprints, mais aussi en mettant fin aux interminables réunions Zoom et aux projets sans direction ou encore en laissant libre cours aux conflits constructifs et au feed-back sincère au sein des équipes. Peu importe la manière dont vous vous y prendrez, ce qui compte avant tout, c’est que vous le fassiez.


Les personnes les plus résilientes ont tendance à finir par s’imposer parce qu’elles considèrent les revers comme temporaires, circonscrits et évolutifs. Quand on voit les choses sous cet angle, on peut se dire : « À un moment ou à un autre, ça va s’arrêter, le problème sera sous contrôle et je peux peser sur son issue. » C’est ce qui nous permet d’agir. C’est comme cela qu’un dirigeant résilient réfléchit. Les individus ainsi « câblés » sont plus susceptibles de prendre des décisions parce qu’ils pensent qu’ils peuvent avoir une véritable influence sur la situation et que ça ne leur fait pas peur.


À l’inverse, si on se dit qu’une difficulté n’est pas près de s’arrêter, que c’est un problème général et que l’on ne peut rien y faire, alors on se sentira totalement désarmé. Les individus peu résilients ont aussi tendance à internaliser le problème en ruminant et se disant des choses comme « C’est probablement de ma faute. Je suis nul. Je ne sais rien faire. »


Résultat : ça les paralyse. À partir de là, ces pensées peuvent aisément dégénérer et amener la personne à s’autodétruire.


La résilience est la qualité clé pour parvenir à naviguer à travers le chaos. Croire que nous avons la capacité et la force de surmonter des obstacles et d’être performants est un exercice d’équilibriste et, pour la plupart d’entre nous, le défi de toute une vie. Sans résilience, nous avons tendance à agir sans conviction ou à suivre des ordres sans réfléchir. Si nous ne croyons pas en nos capacités, nous risquons de nous retrouver paralysés ou ballottés par des forces hors de notre contrôle. Ce n’est qu’en ayant prise sur notre esprit et en décidant de prendre notre destin en main (tout en aidant les autres à faire de même) que nous trouverons la force de franchir cette dernière ligne droite.


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