Source : Les Echos - Muriel Jasor
Dans les organisations, nombre de leaders se soucient davantage des coûts que du temps, pourtant devenu un enjeu majeur.
Intensification continue de la concurrence, évolution erratique des modes de vie et de consommation, intelligence artificielle , pressions internes et sociétales multiples, risques géopolitiques multiples… Tout concourt à sacraliser la rapidité et à placer les dirigeants en situation permanente d'urgence.
« Tiraillés entre l'opérationnel, le long terme, la vision stratégique et la gestion des imprévus, le constat des dirigeants sur leur manque de temps n'est guère surprenant », relève une toute récente étude du cabinet de recrutement de hauts dirigeants Boyden, qui s'intéresse au rôle du leader dans la Cité. Mais comment, dans des vies aussi trépidantes, parvenir à réguler des temps pluriels ?
Jongler avec diverses temporalités
Dans les organisations, nombre de leaders se soucient davantage des coûts que du temps, pourtant devenu un enjeu majeur. Peu d'entre eux s'interrogent sur leur rapport au temps. Peu s'accordent d'indispensables pauses pour préserver non seulement leur énergie et la qualité de leur réflexion mais aussi leur corps.
Or réfléchir au temps à allouer à leurs missions s'impose aux dirigeants s'ils veulent pouvoir prendre de la hauteur afin de ne pas verser dans le micromanagement, faire preuve de discernement et se rendre disponible aux autres. Il leur faut tout à la fois gérer nombre d'injonctions contradictoires et jongler avec diverses temporalités pour ne pas courir le risque d'être broyés.
Le besoin d' un leadership plus réflexif et plus en conscience des autres et de la planète se fait impérieux. « L'entreprise et son dirigeant adoptent désormais une approche plus holistique, intégrant à la fois le développement économique et la transition sociétale et environnementale », confirme le cabinet Boyden qui relève que deux tiers des leaders interrogés perçoivent une évolution de leurs responsabilités professionnelles vers une plus grande implication dans le domaine public.
Lucides, tous se sentent « davantage observés dans leurs positions sociétales et politiques ». Précisément, 64 % des dirigeants pensent que leur rôle est de porter des convictions sociétales dans le débat public et 60 % considèrent disposer d'une latitude suffisante pour s'impliquer dans la Cité. L'étude met ainsi en lumière leur prise de conscience et leur adaptation face à l'évolution des attentes de la société et de leurs parties prenantes directes, notamment les collaborateurs, les clients et les actionnaires/investisseurs. « Ces résultats reflètent un écosystème d'attentes diverses qui influencent les décisions des dirigeants », avertit Boyden. Et surtout les complexifie !
Création de nouveaux business models
Il n'empêche. La priorité demeure le développement économique et l'adaptabilité dans un contexte placé sous le signe de l'incertitude et de la résurgence de fortes tensions géopolitiques sur la scène internationale. Ce qui ne manque pas de générer une tension entre, d'une part, les réalités pragmatiques de la gestion d'entreprise et la recherche de profit et, d'autre part, le rôle social et transformationnel (qui génère un coût financier non négligeable) de l'entreprise.
Cette réalité appelle à une réflexion collective quant à la manière de soutenir efficacement les entreprises dans leur contribution sociétale, tout en restant viables et compétitives. Et quant à celle dont ces organisations et leurs parties prenantes, notamment les actionnaires, peuvent envisager une conception plus équilibrée et à long terme de la performance.
Voilà qui pourrait permettre d'ouvrir un dialogue accru entre les dirigeants d'entreprise, les actionnaires, les employés et la société civile sur la meilleure façon d' aligner les objectifs économiques avec les impératifs sociétaux . Et encourager l'innovation dans les pratiques de gestion ainsi que la création de nouveaux business models, qui intègrent de manière plus intrinsèque, les préoccupations sociétales et environnementales.
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